mercredi 10 novembre 2010

L'amertume, une piste pour traiter l'asthme

Des récepteurs du goût amer ont été identifiés dans les poumons. Contre toute attente, leur activation a un effet dilatateur.

L'asthme et la broncho-pneumopathie chronique obstructive touchent près de six millions de personnes en France. Cette dernière est la cinquième cause de mortalité mondiale, le premier facteur de risque étant le tabagisme. Dans ces maladies, l'obstruction progressive des bronches entraîne de graves difficultés respiratoires. Elle est provoquée, notamment dans l'asthme, par une contraction excessive des muscles lisses des bronches.
On savait que les récepteurs localisés à la surface de ces muscles lisses (de la famille des récepteurs couplés aux protéines G) commandent la contraction et la relaxation des voies respiratoires lorsqu'ils sont activés. Un dysfonctionnement de ces récepteurs peut être à l'origine des maladies respiratoires, ce qui a poussé le pneumologue Stephen Liggett et ses collègues, de l'Université du Maryland à Baltimore, aux États-Unis, à les étudier plus en détail. Ils ont identifié chez l'homme une nouvelle famille de récepteurs localisés sur les muscles lisses des bronches, et ont étudié leur rôle.
De façon étonnante, ces récepteurs pulmonaires sont identiques aux récepteurs du goût amer sur la langue. Les récepteurs TAS2R impliqués dans la reconnaissance de l'amertume sont de grosses protéines liées à la membrane de cellules gustatives situées dans les bourgeons de la langue. On suppose qu'ils ont été sélectionnés au cours de l'évolution pour empêcher les mammifères de consommer des substances toxiques, souvent amères. S. Liggett et son équipe ont donc supposé que les récepteurs du goût amer détectés dans les bronches ont été sélectionnés pour des raisons similaires : un individu qui inhalerait une substance amère ne pourrait plus respirer correctement et devrait fuir son environnement. L'activation des récepteurs entraînerait une bronchoconstriction, identique à celle observée lors d'une crise d'asthme.
Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont cultivé des cellules de muscles lisses de poumon humain et les ont exposées à trois substances amères : la saccharine, la chloroquine et le dénatonium (un composé utilisé comme répulsif pour prévenir l'ingestion accidentelle de produits ménagers.) Ils ont suivi l'évolution dans le temps de la concentration intracellulaire en ions calcium Ca2+, un bon indicateur de l'amplitude de contraction des muscles lisses. Les concentrations en calcium mesurées sont élevées, ce qui suggère une forte contraction.
Pour autant, les substances amères entraînent-elles une contraction des muscles lisses des bronches ? Les chercheurs les ont testées sur des prélévements de trachée contenant des faisceaux de cellules musculaires lisses. Au lieu du rétrécissement attendu, les trois molécules amères provoquent une dilatation profonde de la trachée ! En outre, la dilatation est plus importante que celle qui est obtenue avec des bronchodilatateurs classiques utilisés dans le traitement de l'asthme (l'albutérol, par exemple).
Ce résultat contre-intuitif a été confirmé sur des modèles de souris rendues sensibles à l'ovalbumine, une molécule qui provoque une inflammation des voies respiratoires. Lorsqu'on fait inhaler à ces souris de la quinine, une molécule très amère utilisée notamment dans le traitement du paludisme, leurs voies respiratoires se relâchent et la bronchoconstriction diminue. Au vu des concentrations en ions calcium mesurées, on s'attendait à une contraction des voies respiratoires ; c'est pourtant l'inverse qui se produit. Pourquoi ? Selon les chercheurs, les ions calcium activeraient également des canaux ioniques (au potassium) situés sur la membrane des cellules des muscles lisses, qui auraient pour effet de les relaxer.
Ces résultats offrent des perspectives de développement de nouveaux médicaments, à base de molécules amères, pour traiter l'asthme et la bronchite chronique.


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