La consommation de tabac a augmenté de deux points en cinq ans. La faute à la crise ? C'est chez les chômeurs que l'on constate l'augmentation de consommation la plus forte : ils étaient 43,5% de fumeurs en 2005, ils sont aujourd'hui presque un sur deux (49,6%), selon le nouveau baromètre santé de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). (Télécharger le document)
Ces résultats tombent alors qu'une nouvelle hausse de 6% du prix des paquets de cigarettes est annoncée pour novembre. La dernière augmentation, il y un an, n'a donc pas eu l'effet escompté. Ce qui confirme que la dépendance est bien une affaire qui dépasse la question du pouvoir d'achat.
Les mauvais chiffres de la hausse du tabac s'expliquent, selon la ministre de la Santé Roselyne Bachelot notamment par « l'effet crise ». L'INPES souligne qu'« une mauvaise situation matérielle n'incite pas à se préoccuper de sa santé ».
Ce qu'une étude de Patrick Peretti-Watel et de Jean Constance, de février 2009 dans la revue Déviance et Société, explique ainsi :
« Ils en ont besoin pour gérer leur stress, pour s'accorder un moment de bonheur, pour combler le vide d'une existence à la fois sans travail et sans les ressources nécessaires pour profiter de leur “ temps libre ”, pour se sentir moins seul… »
« On fume, quitte à se passer de nourriture »
Sur le blog Unairneuf.org, Luc Dussart, consultant en arrêt du tabac, va plus loin concernant « L'arrêt du tabac pour les pauvres » :
« Une fois que l'on est accroché par la dépendance, quel qu'en soit le prix, on fume, quitte à se passer de nourriture ou d'autres biens essentiels. »
Comment faire baisser la consommation chez les chômeurs ? Le Comité national contre le tabagisme (CNT) met en cause une « absence de stratégie et de volonté politique pour réduire la consommation de tabac ». Selon lui, seule une hausse de 10% pourrait avoir un impact réel sur le niveau de consommation des fumeurs issus de populations défavorisées. Interrogée par Rue89, sa directrice, Emmanuelle Béguinot, insiste :
« On sait que l'élément du coût est déterminant dans l'arrêt du tabac de ces populations. »
L'Office français de prévention du tabagisme (OFT) quant à lui, insiste sur l'importance du remboursement des substituts nicotiniques − dont une enquête de Rue89 met en doute l'efficacité. Ils sont actuellement financés à hauteur de 50 euros par an et par personne, soit un mois de traitement.
Roselyne Bachelot a annoncé un relèvement de ce forfait à 150 euros pour les bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU) et « une action spécifique » en partenariat avec Pôle emploi.
« Cesser de stigmatiser le fumeur comme un paria »
Problème : les chômeurs doivent souvent payer de leur poche une partie du traitement. Mais surtout, estime Luc Dussart :
« Ils ne sont pas demandeurs. Ils considèrent que la seule chose qu'il leur reste, c'est la clope. »
Une étude menée par la CNAMTS dans trois régions (Alsace, Basse-Normandie, Languedoc-Roussillon) a d'ailleurs conclu à l'inefficacité de la délivrance gratuite de substituts nicotiniques à des bénéficiaires de la CMU.
En Ecosse, un programme d'incitation financière pour arrêter de fumer a même été stoppé, considérant qu'« il n'avait pas eu d'impact sur la réduction du tabagisme ». Luc Dussart plaide pour une démédicalisation générale de l'arrêt du tabac :
« La solution est sociale. La bonne démarche est de mettre en place un contexte psycho-social et non médical. Il faut commencer par réhabiliter l'estime que le fumeur peut avoir de lui, et cesser de le stigmatiser comme un paria. »
Une récente enquête anglo-saxonne tend à prouver que les fumeurs boivent plus que les autres et ont plus souvent des maladies mentales. La coupe est vraiment pleine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire